Couleur, éthique et restauration numérique des oeuvres d’art

Réunion de la commission éponyme du CFC,

SAMEDI 16 MARS 2019 de 14h30 à 17h salle Vendôme — Mines ParisTech

Pour participer, s’inscrire obligatoirement auprès de : secretaire@centrefrancaisdelacouleur.fr

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La commission Couleur, éthique et restauration numérique du Centre Français de la Couleur (Cern-CFC) est un groupe de réflexion ayant pour objectif d’enrichir l’approche visuelle des œuvres d’art au moyen d’outils innovants de mise en évidence, afin de faire évoluer le sens critique, l’intelligence plus ou moins émotionnelle et affective devant, entre autres, l’interventionnisme muséal.

Au vu des diverses restaurations effectuées à ce jour, il semble que la nécessité de ce type de réflexions et de garanties se fasse criante pour tous les tableaux et fresques de ce bien commun qu’est notre patrimoine artistique.

En effet, par exemple, depuis la Renaissance, il se joue dans de telles œuvres un bouleversement que les seuls savoirs des conservateurs, des historiens d’art, des scientifiques et des techniciens de la restauration ne sont pas à même d’appréhender dans toute sa complexité : l’introduction du doute dans la pratique du langage pictural.
Reflet de l’interrogation de l’artiste, entré dans un nouveau type de rapport social qui n’est plus de totale symbiose avec l’Église ou le Prince, le doute n’autorise plus l’exécution simple d’un projet, mais conduit à la pratique imprévisible des sous-couches, couches, glacis, repeints et construction aérienne colorée par le vernis, auxquels le peintre recourt, en fonction de la seule logique interne du tableau.

Face à l’extrême complexité qui découle de ce type de logique, il convient de permettre de mesurer l’importance qualitative des divers éléments qui construisent le système harmonique des œuvres anciennes : repeints autographes (nés du doute de l’auteur), repeints anciens ou restaurations (faisant corps avec l’œuvre), rajouts apocryphes (ressentis comme gênants).
Pareille distinction requiert modestie, humilité et réserve, tant la fragilité des équilibres formels est subtile. Or aujourd’hui, cette réserve suspensive, certains fonctionnaires des musées semblent l’ignorer. Ceux-ci, forts d’un savoir spécifique en histoire de l’art et d’un outillage d’analyses strictement matérielles, trop souvent se renferment dans une attitude techniciste et dans une sorte de réductionnisme historique qui peuvent les amener à porter atteinte à l’intégrité esthétique des œuvres d’art.

Pour le groupe de travail Couleur, éthique et restauration numérique du CFC il s’agit de placer la sensibilité du sujet qui regarde, émancipée de toute contrainte idéologique ou financière, au centre de la réflexion sur la restauration des œuvres ou sur leurs restitutions interprétatives. Outre les compétences professionnelles et techniques de chacun, il se définit par le qualificatif de regardeur, même si un technicien de la chimie peut l’assimiler au mot ‘rêveur’.

A ce stade de développement de notre réflexion, il conviendrait de se doter d’un outil, système expert par techniques numériques visuelles comparatives, permettant une meilleure objectivation des choix pour un repérage des évolutions/altérations dans le temps. D’où une réflexion sur la part plus ou moins volontaire des caractéristiques formelles et colorées dès la conception picturale originelle.

Cela permettrait des repérages précis et virtuels pour une meilleure connaissance formelle des œuvres d’art, mais aussi de meilleures évaluations – en pourcentage et en statistiques – des états avant, pendant et après restaurations (technique de mise en évidence visuelle du pictural, fort utile à des modélisations) ou de divers choix prospectifs par des Répliques numériques artistiques (RNA). Outil indispensable pour une conscience renouvelée et critique nécessaire, entre autres, aux décisions politiques.

Une œuvre d’art, par sa logique d’interdépendance entre les parties et le tout, constitue un champ harmonique que l’on peut percevoir ainsi qu’un fait d’écologie esthétique. Nous constatons que les grands musées et événements se sont engagés dans une voie du consumérisme qui n’est pas un modèle tenable à long terme, ni pour les œuvres, ni pour la qualité des rapports humains.
Il est grand temps d’initier, comme signe d’un réel changement d’époque, une décroissance de l’interventionnisme sur les œuvres du Patrimoine et d’y substituer une pédagogie nouvelle à partir du respect artistique.

Consultation au C2RMF du dossier du Portrait de François 1er par Clouet. A gauche sur un écran calibré (entre D55-D65), l’état du tableau avant restauration, on remarque les différenciations des couleurs des carnations et du vêtement dues aux vernis et glacis. Observons aussi que la manche du bras dont la main est posée sur l’épée a une présence lumineuse brillante et dorée. Au centre, sur le même écran, l’état après restauration, la perspective aérienne et colorée a été bouleversée avec un choix argenté plutôt que doré. L’importance colorée des manches n’est plus différenciée ; la suggestion d’une présence conquérante est éteinte.  A droite, l’état avant restauration sur l’écran de consultation proposé aux chercheurs ; écran non calibré (entre 9000 et 9300K ?), donc propice aux distorsions des couleurs en saturation, contraste et dominante.